Le chant des souliers rouges, tomes 1 à 6 - Mizu Sahara


Mon avis : énorme coup de 💕

Genre : tranche de vie, danse
Public : à partir de 10-12 ans
Statut de la série : terminée au Japon, en cours en France
Tomes parus en VF : 2
Tomes parus en VO : 6


Résumé éditeur 

Kimitaka rêve de devenir basketteur et Takara danseuse de Flamenco. Malheureusement, l’un comme l’autre manque de talent pour exceller dans sa passion. Un jour, ils se retrouvent par hasard sur le toit du collège alors que Kimitaka est sur le point de jeter ses basket rouges et Takara ses souliers rouges de Flamenco. Bien qu’ils ne se connaissent pas vraiment, la conversation s’engage. Chacun dévoile son envie de changer de vie et, comme pour symboliser cette volonté, ils échangent leurs souliers et décident d’embrasser la passion de l’autre. Une nouvelle vie s’offre désormais à eux...


Le chant des souliers rouges est un énorme coup de cœur qui m'a touchée de manière extrêmement personnelle. Petit bijou de sensibilité tant graphique que narrative, au message juste et poétique, il s'est immédiatement fait une place dans mon top 10 manga tous genres confondus.

Difficile de trier mes idées et émotions pour vous le présenter sans trop en dire, mais voici quelques raisons de lire ce magnifique titre.

L'art au service de l'histoire


Très tentée par ce titre dès les premières images, puis les premiers retours de lecteurs, l'esthétique m'a immédiatement accroché l'œil. Si les couvertures et pages couleurs à l'aquarelle sont délicates et poétiques, la qualité ne se dément pas au fil des pages et se met au service de la narration. 

En effet, loin de certains mangas qui se reposent sur de longues explications, ici Mizu Sahara excelle à nous montrer l'intrigue et les émotions des personnages, à mettre en scène les relations entre eux. Elle sait aussi rendre leur évolution visuelle : entre le début et la fin de l'histoire les personnages changent physiquement en même temps que leur état d'esprit se modifie. Le héros, Kimitaka, notamment se transforme sous nos yeux d'une manière frappante.


Des personnages à la recherche d'un sens à leur vie


Si ce titre m'a autant touchée, au point d'avoir les larmes aux yeux pendant tout le tome 1 et de pleurer à plusieurs reprises, c'est notamment pour son traitement du harcèlement scolaire. Ancienne victime de ce fléau, je me suis identifiée à ces jeunes, malgré des circonstances personnelles différentes.

Parce qu'ici le phénomène est décortiqué avec une justesse brutale qui m'a ramenée à l'époque du collège : les sentiments de ces personnages, je les ai vécu, ils me hantent encore parfois. La mangaka montre le mécanisme : victime qui sort de la norme - l'un en surpoids, l'une "trop" grande, un garçon qui danse et porte les cheveux longs... -, effet de groupe, répétition des violences. Mais ce sont surtout les conséquences qui sont traitées de manière très réaliste, des blessures, à l'isolement forcé ou choisi, de la perte d'estime de soi - jusqu'à la dépression - en passant par la peur de parler. Ces ado qui détestent qui ils sont, à s'en rendre malade et se couper de leur entourage m'ont bouleversée. L'auteure parvient cependant à éviter de tomber dans un manichéisme facile entre les bourreaux épouvantables et les victimes irréprochables. Tous les protagonistes ont des défauts et préjugés, autant que des bons côtés, ce qui les rend humains et attachants.

Pourtant Le chant des souliers rouges ne parle pas seulement du difficile passage à l'âge adulte, mais plus largement de l'acceptation de soi et des autres. La professeur de flamenco, personne âgée, veut se sentir utile, faire la différence dans la vie de quelqu'un, exactement de la même façon que le héros. 


La danse pour renouer avec les autres et avec soi


L'histoire commence avec la brutale confrontation entre les rêves des personnages et la réalité : Kimitaka et Takara ont chacun une passion, qui ne fonctionne pas aussi bien qu'ils le voudraient. C'est même ce qui pousse le héros vers un comportement répréhensible, provoquant le rejet brutal de ses camarades.

Désoeuvrés, les deux ado échangent leurs chaussures, et symboliquement l'accès vers la discipline de l'autre. Ces chaussures, à la fois semblables - rouges avec un éclair - et différentes - des baskets et des chaussures de flamenco à talons - deviennent le lien qui les unis malgré la distance, qui va les pousser à changer. Leur couleur est celle du fil rouge qui relie deux personnes destinées l'une à l'autre : hasard ? Je ne pense pas.

Tout d'abord englué dans son auto-apitoiement, Kimitaka met du temps à se lancer avec les souliers rouges de Takara. Mais il finit par se lier avec une prof de flamenco désillusionnée elle aussi, son petit-fils qui se retrouve mis face à ses propres préjugés - un garçon avec des chaussures à talons de femme ?! -, des amis tout aussi parias et paumés que lui. 

À travers la danse flamenco, le héros se reconnecte aux autres et à lui-même, s'ouvre au monde. Aucun personnage n'est vraiment secondaire tant les histoires sont bien traitées, mais sans donner l'impression de s'éparpiller.

Pas de formule miracle pour autant, leur évolution est progressive et crédible. Peut-être parce qu'ils se lancent par désœuvrement plutôt que véritable passion, ils prennent la discipline telle qu'elle est, sans lui attribuer d'attentes irréalistes. Mizu Sahara a ici choisi la danse flamenco, mais aurait aussi bien pu prendre un autre sujet, d'ailleurs Takara de son côté vit un chemin similaire via le basketball. La découverte d'un endroit à eux, d'une communauté ouvre en tout cas des perspectives à des personnages blessés. 


À travers ses personnages perdus, Mizu Sahara présente une histoire universelle : la recherche d'un sens à sa vie, la volonté de faire une différence, même minime. Elle présente ces réflexions avec justesse, poésie et espoir, en cassant au passage les stéréotypes de genre - un garçon avec des chaussures de femme, une fille plus grande que la moyenne - ou ceux des romances, le tout avec un trait superbe et délicat.


Écrire commentaire

Commentaires: 0