Mon avis : coup de đź’•
Public : tout public
Statut de la série : en cours
Nombre de tomes parus en VF : 1 (le 2 sort le 10 novembre)
Nombre de tomes parus en VO : 3
Résumé éditeur
Yaichi élève seul sa fille. Mais un jour, son quotidien va
être perturbé... Perturbé par l'arrivée de Mike Flanagan dans sa vie. Ce Canadien n'est autre que le mari de son frère jumeau... Suite au décès de ce dernier, Mike est venu au Japon, pour
réaliser un voyage identitaire dans la patrie de l'homme qu'il aimait. Yaichi n'a alors pas d'autre choix que d'accueillir chez lui ce beau-frère homosexuel, vis-à -vis de qui il ne sait pas
comment il doit se comporter. Mais ne dit-on pas que la vérité sort de la bouche des enfants ? Peut-être que Kana, avec son regard de petite fille, saura lui donner les bonnes
réponses...
La vie calme et ordinaire de Yaichi va être bousculée lorsqu'il apprend que son frère jumeau est mort et qu'il était marié à un homme. Ce dernier, Mike, un canadien aux allures d'énorme et
adorable nounours va débarquer dans la vie du Japonais et bousculer beaucoup de préjugés.
Avec Le mari de mon frère, Gengoroh Tagame signe un titre surprenant et engagé. Surprenant, car l'auteur est connu pour ses oeuvres érotiques gays destinées plutôt aux hommes (appelées
"bara" ou "men's love" dans le jargon), que je ne lis pas, bien qu'étant férue de boy's love destiné plutôt aux femmes. Bref, je n'aurais pas pensé un jour acheter l'une de ses oeuvres et encore
moins la conseiller Ă ma fille de 12 ans !
En effet, ce manga est tout public. Ici nul érotisme, pas même l'ombre d'une romance, qu'elle soit gay ou hétéro, ce qui ne l'empêche pas de parler d'amour. Car c'est ici ce dont il est question
: l'amour entre deux personnes, quel que soit leur sexe, un concept que Yaichi a du mal Ă saisir alors que sa fille Kana prend tout avec le naturel propres aux enfants. Elle bombarde de question
Mike, mettant souvent les pieds dans le plat, obligeant son père à remettre en cause ses préconceptions, mettant aussi en lumière l'aspect ridicule parfois de celles-ci. Le parallèle entre les
monologues internes de Yaichi et l'attitude que lui dicte les convenances (il est tout de même Japonais, surtout ne pas paraître impoli !) renforce encore ce processus.
C'est en cela que Le mari de mon frère est engagĂ©. Ă€ travers les rĂ©actions d'un Japonais moyen, l'homophobie ordinaire est ainsi mise en avant, dĂ©montĂ©e point par point. Pour autant, Ă
aucun moment je n'ai eu l'impression que l'auteur donnait des leçons au lecteur, plutôt que son histoire et ses personnages permettent tout simplement de mieux comprendre une minorité. La
personnalitĂ© extrĂŞmement sympathique de Mike y est pour beaucoup, ainsi que sa façon de rĂ©pondre aux questions sans gĂŞne, d'interroger aussi Yaichi sans accuser.Â
Mais ce serait une erreur de penser que ce manga ne parle que d'homosexualité : c'est la famille au sens large qui est traitée ici. De la relation entre frères jumeaux, en passant par le rôle de
père solo, Gengoroh Tagame déconstruit plusieurs clichés sur ce qui constitue une famille "normale". Par ailleurs, le deuil des deux hommes est ce qui les réunit, et ce sentiment est encore
renforcĂ© par la ressemblance entre Yaichi et son dĂ©funt frère. Le choc des cultures entre le Canadien et le Japonais, s'il est au dĂ©part source incomprĂ©hensions supplĂ©mentaires, permet aussi Ă
Yaichi d'évoluer au contact de son beau-frère.
En résumé, Le mari de mon frère est un manga intelligent, drôle et touchant, une lecture à la fois belle et d'utilité publique.